Voici le visage que nous a offert, durant tout le mois de janvier 2016, la lagune de Porto-Novo, capitale du Bénin. Recouverte presque entièrement d’un immense tapis vert, fait de jacinthes d’eau et autres végétations exotiques. Pour moi, qui vis à Porto-Novo depuis plus d’une cinquantaine d’années, le phénomène est nouveau et spectaculaire à la fois.
En cause, les intrusions massives d’eaux de ruissellement pluviales chargées de particules fines, de composés minéraux et organiques, et cela sur de longues années. Les nutriments et les particules en suspension dans l’eau, les jacinthes d’eau s’en régalent, ce qui justifie leur toute puissante présence sur la surface du plan d’eau. La lagune charrie la jacinthe d’eau vers Badagri, localité au sud du Nigéria voisin. Le phénomène devient sous-régional.
Au Bénin, ce sont presque tous les cours d’eau douce qui sont malades de la jacinthe d’eau pendant les mois d’étiage. Le mal gagne du terrain d’une année à l’autre, j’ose dire dans l’indifférence et ou dans l’impuissance totale. J’ai du mal encore à identifier le ministère responsable des écosystèmes aquatiques. Ce sont peut-être les autorités communales ; là non plus, je n’ai pas de réponse à ma préoccupation. Le mal est cependant réel et bien là. Ce sont les fonctions écologiques et la diversité biologique de l’écosystème qui sont mis à mal.
L’apparition chaque année des jacinthes d’eau est un signal de malaise pour la lagune et (peut-être un carton jaune) pour les humains que nous sommes. Allons-nous attendre le carton rouge avant d’agir ? Ce serait trop....La communauté des chercheurs doit aller au chevet de la lagune, poser des diagnostics et proposer le traitement adéquat et efficace pour préserver une si précieuse zone humide de l’étouffement.
Plusieurs tentatives pour se débarrasser de cette peste d’eau ont échoué ; lutte mécanique, lutte biologique, etc. Le mal persiste et s’intensifie. Entre autres impacts, la dégradation de la qualité de l’eau, l’encombrement des voies d’eau et le recul de la diversité biologique. Il faut s’en préoccuper. Tel est mon cas.
Le mal est persistant, réel, mais laisse indifférent. Il y a comme une négligence, une impuissance dans l’air quant à l’état de santé des écosystèmes aquatiques du Bénin. On y voit par exemple des sources thermales qui coulent à perte dans la nature, des lacs et des cours d’eau dont on cherche en vain le service responsable tout comme on chercherait "une aiguille dans une botte de foin". Déconcertant ! Si de façon périodique on faisait chez nous l’état des lieux des zones humides, alors on pourrait parler de gestion durable. Pour le moment, et si je devais mettre une note aux autorités responsables à supposer qu’elles existent, ce serait : "peut mieux faire".
Bernard Capo-Chichi
Porto-Novo, Bénin