Soyons précis : les parrains de cette journée s’intéressent d’abord et surtout aux catastrophes naturelles, avec un petit coup d’œil tout de même aux "accidents industriels". Difficile en effet d’effacer les pollutions catastrophiques du Rhin, en 1986 à Bâle, ou du Danube, en 2000 en Roumanie.
Et les catastrophes humanitaires ?
Pas un mot par contre sur ces autres "hydro-catastrophes" provoquées, non par la nature, mais par la seule folie guerrière des hommes. Comment oublier que dans les conflits modernes le manque d’eau fait souvent autant, sinon davantage, de victimes que les bombes ? Et que fait-on pour empêcher ces catastrophes-là ?
Pour mémoire : l’an dernier, lors de l’attaque américaine contre l’Irak, le service des eaux de Bagdad a perdu la totalité de ses équipements. Adieu pompes, réservoirs et camions-citernes ! Un an après, nombre d’Irakiens sont toujours en quête d’eau potable. En 1994, les réfugiés rwandais ont été confrontés à d’immenses problèmes de ravitaillement en eau, pour ainsi dire condamnés à boire les eaux polluées du Lac Kivu et à s’exposer aux épidémies de choléra.
Et les catastrophes quotidiennes oubliées ?
Comment surtout ne pas s’étonner que l’on fasse silence sur le plus grand des désastres humains liés à l’eau, à savoir le fait qu’un milliard et demi de gens de par le monde sont privés d’accès à l’eau potable.
Et qu’ils sont quasiment deux fois plus nombreux à ne pas disposer d’un système élémentaire d’assainissement et que chaque jour plusieurs milliers (14’000 ?) de personnes meurent sur la Terre de maladies liées à la mauvaise qualité de l’eau.
Et les déficits politiques ?
Les changements climatiques sont un autre grand facteur potentiel de catastrophes hydrométéorologiques à venir. Le document officiel de la Journée mondiale de l’eau 2004 leur consacre tout un chapitre. Sans grandes convictions.
Comme s’il suffisait, pour résoudre la question, de "renforcer la résistance aux catastrophes naturelles liées au climat" et de s’inspirer de certaines cultures qui ont élaboré depuis longtemps "des stratégies spécifiques de réponse".
Pas la moindre allusion aux moyens de lutte contre ces dégradations climatiques ni à l’absence de volonté politique quand, par exemple, il s’agit de mettre en oeuvre le Protocole (mort-né) de Kyoto. A l’ONU, on ne fait pas la morale aux États.
Confronté aux réalités quotidiennes, le message officiel de cette nouvelle Journée mondiale de l’eau paraît donc comme figé dans le fatalisme institutionnel. Ne nous demandez pas, mon bon Monsieur, d’obliger gouvernements, agriculteurs, industriels et consommateurs à réviser leurs consciences et à mettre fin à des pratiques qui finiront par provoquer de nouvelles catastrophes. Mais, rassurez-vous, on s’efforcera de vous prévenir à temps. Et on vous aidera à vous préparer au pire.
Quand je vous disais qu’on était en plein rituel...!
Bernard Weissbrodt