Les scénarios élaborés par le GIEC sont à prendre au sérieux. Brefs rappels en ce qui concerne certaines conséquences du réchauffement climatique sur les systèmes hydrologiques :
– Le niveau des mers va probablement s’élever, à cause surtout de la dilatation thermique des eaux océaniques et, dans une moindre mesure, de la fonte des glaces.
– Le recul des glaciers et la réduction de la couverture neigeuse vont restreindre la disponibilité en eau et le potentiel de production hydroélectrique. Dans les régions alimentées par des eaux provenant de grandes chaînes de montagnes (Himalaya, Cordillère des Andes, Alpes et autres) on assistera sans doute à une modification des régimes hydrologiques saisonniers.
– Les changements dans les précipitations et la température vont modifier le ruissellement et la disponibilité de l’eau : davantage d’eau dans les plus hautes latitudes et dans certaines régions tropicales humides, moins d’eau dans certaines régions sèches des latitudes moyennes et tropicales sèches.
– De nombreuses régions semi-arides souffriront d’une diminution des ressources en eau, les régions déjà touchées par la sécheresse vont encore s’étendre, et il faut donc s’attendre ici et là à une hausse de la demande en eau d’irrigation.
- Les experts prévoient également une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques exceptionnels. Le risque accru d’inondations posera de gros défis en matière de sécurité des riverains et des infrastructures physiques, mais aussi pour l’approvisionnement en eau potable.
– L’augmentation des températures affectera les propriétés physiques, chimiques et biologiques des lacs et des rivières, avec des effets néfastes sur la flore et la faune, ainsi que sur la qualité de l’eau. Dans les zones côtières, l’élévation du niveau des mers augmentera les pressions sur les ressources en eau douce en raison de la salinisation croissante des eaux souterraines.
« La spirale infernale du sous-développement »
Dans l’édition 2007-2008 de son Rapport mondial sur le développement humain consacré précisément à la lutte contre les changements climatiques, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) notait avec vigueur que ces divers impacts sur la disponibilité des ressources en eau ne feront que renforcer le cercle vicieux du sous-développement humain.
Le réchauffement planétaire “risque d’entraîner les pays les plus pauvres de la planète et leurs citoyens les plus pauvres dans une spirale infernale” : d’ici à 2080, 1,8 milliards de personnes supplémentaires pourraient être victimes du stress hydrique (moins de 1’700 mètres cubes d’eau douce par habitant et par an). Les ressources écologiques dont dépendent les populations défavorisées vont s’éroder, elles limiteront les possibilités d’emploi et de production. L’agriculture, l’environnement et les habitats humains sont clairement menacés.
Les changements climatiques s’ajouteront aux autres pressions plus générales sur les systèmes hydriques. De nombreux bassins fluviaux et d’autres sources d’eau font d’ailleurs déjà l’objet d’une exploitation non viable. Aujourd’hui, environ 1,4 milliard de personnes vivent dans des bassins fluviaux ‘fermés’ où l’on consomme des quantités d’eau supérieures à leurs niveaux de décharge, ce qui provoque de graves dommages écologiques.
Certains symptômes de stress hydrique sont déjà visibles : effondrement des systèmes fluviaux en Chine du Nord, baisse rapide des niveaux des nappes souterraines en Asie du sud et au Moyen-Orient. Les changements climatiques dangereux vont intensifier ces symptômes.
Neuf des quatorze pays de la région Proche-Orient sont déjà caractérisés par une disponibilité de l’eau par habitant inférieure au seuil de la rareté (moins de 1’000 mètres cubes par personne et par an). On prévoit une diminution des précipitations en Égypte, en Jordanie, au Liban et en Palestine. L’accès aux eaux du fleuve Jourdain, des aquifères transfrontaliers et du Nil pourrait devenir un point de contentieux et de focalisation de tensions politiques en l’absence d’un renforcement des systèmes de gestion de l’eau.
Bref, les changements climatiques et leurs impacts sur les systèmes hydriques de la planète ont un coût humain incalculable : le manque d’accès à l’eau est une menace pour la santé par le biais de toutes sortes de maladies souvent mortelles pour les enfants, le déficit en eau pour les cultures traditionnelles annonce de prochaines famines et avec elles des exodes vers les villes et des migrations au-delà des frontières, les catastrophes naturelles, sécheresses et inondations touchent de plus en plus de populations vulnérables, les habitants de certaines régions côtières ou insulaires sont quasiment menacés d’exil. (bw)