La demande mondiale en eau
augmente chaque année d’environ 1 %
Cette augmentation régulière depuis les années 1980 résulte principalement de l’utilisation croissante de l’eau dans les pays en développement et dans les économies émergentes (même si ces usages de l’eau par habitant restent nettement inférieurs à ceux des pays développés). Cela s’explique par la croissance démographique, par le développement socio-économique et par l’évolution des modes de consommation. Le secteur agricole est de loin le plus grand consommateur de ressources en eau (69 % des prélèvements, contre 19 % pour l’industrie et 12 % pour les ménages). On s’attend à ce que la demande mondiale en eau continuera d’augmenter au même rythme jusqu’en 2050.
L’approvisionnement en eau dépend de multiples facteurs
L’accès à l’eau ne dépend pas seulement de la quantité d’eau salubre physiquement disponible, mais aussi de la façon dont elle est captée, transportée, stockée, gérée et distribuée aux différents utilisateurs. Très souvent, l’eau est impropre à la consommation et doit donc être purifiée, désinfectée et protégée contre les contaminations. Les méthodes les plus courantes de traitement des eaux exigent que l’énergie (électrique dans la majorité des cas) soit disponible en permanence, ce qui n’est guère le cas dans la plupart des pays en développement. Les pénuries d’eau peuvent être également dues au manque de ressources humaines, institutionnelles et financières. Ajoutez à cela que des millions de personnes risquent aussi de se retrouver sans accès à l’eau lorsque des infrastructures d’approvisionnement sont gravement endommagées lors de catastrophes naturelles ou de conflits armés.
Dans les villes, les pauvres paient souvent l’eau
bien plus chèrement que les riches
En matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, il existe dans les milieux urbains une inégalité importante entre les familles à faibles revenus vivant dans les bidonvilles et les autres. Alors que les centres-villes bénéficient souvent d’un service de qualité à faible coût, les zones périurbaines sont insuffisamment prises en compte par les programmes de distribution de l’eau et leurs populations dépendent principalement de bornes de distribution, de vendeurs d’eau ou de camions-citernes. Dans ce cas, le prix est souvent beaucoup plus élevé pour une eau de moins bonne qualité, ce qui aggrave les inégalités entre riches et personnes défavorisées.
Un manque flagrant d’infrastructures d’assainissement
Seules deux personnes sur cinq dans le monde disposent de services d’assainissement gérés en toute sécurité [2]. Comparée aux progrès enregistrés au cours des dernières années en matière d’approvisionnement en eau, la mise en place d’infrastructures d’assainissement dans les zones urbaines a pris un retard considérable et il est peu probable, en Afrique en particulier, que soit atteint l’objectif de services élémentaires d’assainissement pour tous d’ici à 2030.
Les agriculteurs ont besoin d’un accès équitable à l’eau
Les trois quarts des gens vivant dans l’extrême pauvreté vivent dans des zones rurales. Ce sont la plupart du temps de petits exploitants familiaux qui souffrent souvent d’insécurité alimentaire et de malnutrition alors même qu’ils contribuent eux-mêmes à une part importante de la production agricole de leur pays. Pour eux, un accès équitable à des ressources en eau, ne serait-ce que pour un arrosage supplémentaire des cultures, peut faire la différence entre une agriculture comme simple moyen de survie et une agriculture comme source fiable de moyens de subsistance.
Il n’y a jamais eu autant de réfugiés
et de personnes déplacées
En 2017, les conflits et les persécutions ont poussé plus de 68 millions de personnes sur les routes. A ce chiffre s’ajoute une moyenne de 25,3 millions de personnes forcées de migrer chaque année en raison de catastrophes naturelles, un chiffre qui a doublé depuis le début des années 1970 et qui est susceptible d’augmenter encore dans les années qui viennent sous l’effet du changement climatique. Loin de leurs foyers, ces personnes se heurtent souvent à de nombreux obstacles pour accéder à des services élémentaires d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ce qui crée aussi des problèmes de coexistence entre populations locales et nouveaux arrivants.
Le nombre de personnes qui chaque année décèdent de par le monde en raison du manque de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement et suite à des dysenteries ou des épidémies de choléra (780’000) dépasse largement celui des personnes qui ont perdu la vie lors de sécheresses (1’100), d’inondations (6’000), de séismes (56’000) et de conflits armés (75’000). On ne dispose pas de données sur le nombre de personnes qui auraient eu besoin d’une aide immédiate dans des situations d’urgence liées au manque d’eau potable et de services d’assainissement. Celui des personnes touchées dans les diverses catastrophes humanitaires s’élève annuellement à plusieurs dizaines de millions.
Ce qui devrait (pouvoir) être fait
> Améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement
Si l’on ne veut laisser personne pour compte et réaliser le droit humain à l’eau et à l’assainissement, il paraît tout aussi crucial, aux yeux des auteurs du rapport onusien, de vaincre les obstacles à l’accès que de s’attaquer aux problèmes d’approvisionnement et de pénurie. Techniquement parlant, les réponses peuvent varier considérablement d’un endroit à l’autre. S’il convient dans les grandes zones urbaines de créer des infrastructures centralisées grâce au partage des ressources et à des économies d’échelle, il faudra sans doute dans les agglomérations plus petites privilégier des systèmes décentralisés moins coûteux. Le principe de base qui devrait guider le choix des technologies n’est pas nécessairement celui de la "meilleure pratique", mais celui "qui convient le mieux".
> Combler les lacunes d’investissement
De toute évidence, le manque de financement a contrecarré les promesses faites par les gouvernements de la planète en matière d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Certains experts estiment que pour atteindre les objectifs de 2030 il faudrait pour le moins tripler les niveaux annuels actuels d’investissements. Selon le rapport onusien, qui souligne la nécessité de mettre en place des structures tarifaires équitables et des subventions ciblées en faveur des groupes vulnérables, une partie du déficit d’investissement pourrait être comblée en améliorant le système, en utilisant plus efficacement les fonds disponibles et en réduisant considérablement les coûts globaux. La principale source de financement ne pouvant pas reposer sur les seuls donateurs, il incombera aux gouvernements d’augmenter considérablement le montant des fonds publics dédiés à la réalisation de ces objectifs.
> Renforcer les connaissances et les capacités
La recherche, le développement et l’innovation scientifiques ont un rôle essentiel dans la proposition de solutions visant à améliorer l’accès de tous aux services de l’eau et de l’assainissement. Par exemple dans la création d’infrastructures gérées en toute sécurité, efficaces et à un coût abordable, dans la conception de structures tarifaires équitables, ou dans l’élaboration de modèles permettant aux personnes pauvres de bénéficier des services plutôt que d’en être écartées. Les populations défavorisées, urbaines et rurales, ont également besoin d’être mieux informées sur leurs droits et de renforcer leurs capacités humaines personnelles et collectives.
> Initier une gouvernance participative
Pour s’attaquer aux principales causes qui voient des groupes humains exclus de l’accès aux infrastructures de l’eau et de l’assainissement, plusieurs chapitres du rapport soulignent l’importance de mener des actions fondées sur les communautés. Il s’agit pour les autorités de mettre en place "un environnement institutionnel favorable par le biais duquel peut s’installer la gouvernance participative" et dans lequel les diverses parties prenantes peuvent exprimer leur opinion et collaborer à la recherche de solutions. Ces nouveaux modes de gouvernance, qui se distancient des structures de pouvoir hiérarchique, devraient entre autres garantir une allocation juste et équitable des ressources en eau à toutes les personnes.
Bernard Weissbrodt