50 tonnes de matières plastiques en tous genres arrivent chaque année dans le Léman : une grande part de ces déchets s’accumule probablement dans les sédiments au fond du lac et 10 % partent dans le Rhône, ce qui n’est pas sans conséquences pour les écosystèmes et la santé des populations. Ces chiffres ressortent d’une étude publiée par l’Association pour la Sauvegarde du Léman (ASL) qui s’inquiète fortement de cette pollution des eaux de surface et qui a décidé d’organiser en 2019 un colloque d’experts pour tenter de stimuler des réponses locales aux questions posées par ce problème aujourd’hui d’ampleur planétaire.
Des études ont déjà été entreprises récemment pour tenter d’avoir une idée plus précise du degré de pollution des eaux du Léman par des déchets plastiques [1] L’Association pour la Sauvegarde du Léman (ASL) [2] a voulu en savoir plus et a mandaté un expert en sciences environnementales, Julien Boucher, pour modéliser les flux de plastiques dans le lac [3].
Cette approche, différente mais complémentaire des mesures de terrain, cherche elle aussi à évaluer les quantités de plastique rejetées annuellement dans le Léman, à identifier leur origine et à savoir ce qu’ils deviennent une fois arrivés dans le lac. Ici la méthode se base sur le cycle de vie des produits plastiques (production, transformation, utilisation, élimination) et sur l’analyse des pertes qui à chacune de ces étapes peuvent contaminer le milieu naturel et sont alors considérées comme finalement rejetées dans le lac.
Des déchets sauvages …
Selon cette étude et dans l’état actuel des connaissances scientifiques, la quantité totale moyenne de rejets plastiques dans le Léman est estimée à environ 50 tonnes par an, dont 20 % (10 tonnes) sont constitués de déchets sauvages. Une petite partie (de l’ordre de la tonne) de ces bouteilles, emballages, jouets et multiples autres objets est récupérée lors des opérations bénévoles de nettoyage des rives et des fonds littoraux.
Quant aux déchets non récoltés, on sait par plusieurs études qu’ils se fragmentent en morceaux de plastique plus petits (microplastiques et nanoplastiques) qui peuvent être ingérés par les animaux ou piégés dans les sédiments. [4].
… mais aussi beaucoup de poussières de pneus
C’est un peu la surprise de l’étude, du moins pour le profane : la part la plus importante de microplastiques dans les eaux du Léman proviendrait de l’usure des pneus : leurs poussières contamineraient l’environnement par les retombées atmosphériques et par les eaux de ruissellement. D’après la modélisation réalisée par Julien Boucher, le lac en recevrait ainsi chaque année quelque 30 tonnes, c’est-à-dire 60% des apports totaux. Prudence toutefois : ce chiffre n’a pas pu être corroboré par des analyses de terrain, car la taille de ces poussières est inférieure à la maille de l’outil particulier (le filet Manta) habituellement utilisé par les scientifiques pour la capture et la mesure de déchets plastiques.
Parmi les autres sources de pollution plastique qui alourdissent le bilan, on note principalement des déchets liés à la construction, des fibres textiles détachées des vêtements lors du lavage en machine, ou encore des microbilles intégrées dans les cosmétiques.
Enfin, lit-on dans le document publié par l’ASL, les chercheurs estiment que seulement 10 % des plastiques déversés dans le Léman seraient emportés vers l’aval par le Rhône à Genève : "cela signifierait donc que la plus grande partie des plastiques arrivant dans le lac y serait piégée, celui-ci fonctionnant, on pouvait s’y attendre, comme un bassin de décantation".
Un colloque en 2019
pour trouver des réponses
Cette étude, conclut l’ASL, met en évidence la complexité de la problématique et l’urgence qu’il y a à agir. Elle souhaite aller de l’avant dans l’amélioration des connaissances et la recherche de solutions et elle a pour cela décidé de réunir en 2019 des représentants des secteurs publics et privés, des chercheurs et des acteurs de terrain. Ce colloque, dont la date n’est pas encore fixée précisément, aura pour ambition "de mettre en évidence les lacunes en termes de connaissances scientifiques, de proposer des pistes de recherches, voire des projets d’études, de trouver leur financement, d’orienter la législation et également de sensibiliser le grand public à cette thématique dont on parle de plus en plus mais dont on ne connaît presque rien". (Source : ASL)