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1er février 2018.

Bruxelles veut améliorer l’eau potable des Européens

Le fruit d’une initiative citoyenne

La Commission européenne propose une révision de la Directive sur l’eau potable afin de garantir à tous les consommateurs l’accès à une eau potable de très bonne qualité ainsi qu’à des informations fiables sur son approvisionnement. Plus encore : elle veut encourager la consommation d’eau du robinet et contribuer ainsi à diminuer la quantité de déchets plastiques qui finissent dans les rivières et les océans.

La Commission européenne dit avoir entendu le million et demi de citoyens signataires en 2013 de l’initiative "L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise !" ("Right2Water") [1]. Après avoir analysé dans le détail l’actuelle législation européenne en la matière, elle estime nécessaire de la moderniser "afin d’améliorer la qualité de l’eau potable et de permettre à davantage de citoyens d’y accéder, là où le besoin s’en fait le plus sentir". Sa proposition de révision de la Directive sur l’eau potable datant de 1998 tient en quatre objectifs principaux, à savoir :

1) Améliorer les normes de salubrité de l’eau : la liste des paramètres à respecter en matière de potabilité sera révisée, complétée et mise en conformité avec les connaissances scientifiques les plus récentes et avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de manière à assurer une meilleure protection contre les bactéries et virus pathogènes, les substances naturelles nocives, les contaminants d’origine industrielle et les sous-produits de désinfection.

2) Réduire les risques pour la santé : cela sera possible grâce à la mise en œuvre de nouvelles méthodes d’évaluation et de suivi de la qualité de l’eau à toutes les étapes de son approvisionnement, de son traitement et de sa distribution. Selon les estimations, ces nouvelles mesures de protection permettraient de diminuer les risques potentiels d’environ 4 % et de les ramener à moins de 1 %.

3) Améliorer l’accès à l’eau : les États membres de l’Union européenne auront l’obligation de veiller à ce que tous les citoyens aient un accès à l’eau potable, notamment les groupes vulnérables et marginalisés qui en sont encore partiellement ou totalement privés aujourd’hui. Cela requiert par exemple de mettre en place des équipements adéquats dans les lieux publics et d’encourager la consommation d’eau du robinet, "peu coûteuse, sûre et respectueuse de l’environnement".

4) Améliorer la transparence des services liés à l’eau : mieux les consommateurs seront informés sur leur approvisionnement en eau, plus ils seront en mesure d’exiger des services de bonne qualité à un prix équitable ; et plus ils auront confiance dans les services de l’eau, plus ils seront enclins à réduire leur consommation d’eau en bouteille, ce qui leur permettra de faire des économies et de diminuer la masse de déchets plastiques rejetés dans l’environnement.

Commentaire du finlandais Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne responsable du dossier de l’emploi, de la croissance, de l’investissement et de la compétitivité : "Par cette proposition, nous facilitons la transition vers une économie circulaire et nous aidons les États membres à gérer l’eau potable de manière efficace dans l’utilisation des ressources. Cela implique la réduction de l’utilisation d’énergie et des pertes inutiles d’eau. La transparence accrue permettra également une meilleure information des consommateurs et les orientera vers des choix plus durables, par exemple, l’utilisation de l’eau du robinet."

Le coût des changements

De toute évidence, améliorer l’accès à l’eau potable et sa qualité, et renforcer les obligations en matière de transparence entraîneront une augmentation des coûts. Mais Bruxelles estime que celle-ci restera modérée et qu’elle sera compensée par les effets bénéfiques de ces différentes mesures sur la santé des citoyens, par la possibilité offerte aux États membres de subventionner un service d’intérêt public, et par les économies réalisées grâce à la diminution de la consommation d’eau en bouteille.

Le coût annuel du secteur de l’eau potable, supporté par les consommateurs européens par l’intermédiaire des factures d’eau, se monte aujourd’hui à un peu plus de 46 milliards d’euros. Les changements prévus dans la proposition de nouvelle directive entraîneraient une augmentation modérée (entre 1,6 milliard et 2,2 milliards d’euros par an).

Les dépenses des ménages pour les services liés à l’eau ne devraient augmenter que légèrement (de 0,73 % actuellement à 0,75-0,76 %). À noter aussi que, selon les estimations, la diminution de la consommation d’eau en bouteille pourrait amener les ménages européens à économiser plus de 600 millions d’euros par an.

 "Proposal for a Directive of the European Parliament and on the Council on the quality of water intended for human consumption (recast) (01.02.2018) – Disponible (en anglais seulement) sur le site web de la Commission européenne.



Notes

[1Selon le traité sur l’Union européenne, une initiative citoyenne munie d’au moins un million de signatures peut appeler la Commission européenne à présenter une proposition législative. L’initiative "Right2Water", déposée en décembre 2013 et soutenue par plus de 1,6 million de citoyens, était la première à atteindre le nombre minimum de signatures requis. Elle invitait en particulier la Commission "à proposer une législation qui fasse du droit à l’eau et à l’assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d’eau et l’assainissement en tant que services publics essentiels pour tous".

Infos complémentaires

ONG déçues

Plusieurs organisations non gouvernementales dédiées au secteur de l’eau n’ont pas tardé à prendre position sur cette proposition de nouvelle directive européenne sur l’eau potable :

 Pour le Mouvement Européen pour l’Eau, la Commission européenne déçoit encore une fois les citoyens qui ont soutenu l’Initiative pour le droit à l’eau : "Bien que nous saluons la timide tentative de la Commission d’inclure des dispositions sur l’accès universel à l’eau et l’accent mis sur les minorités et les groupes vulnérables, ce texte n’a rien à voir avec le droit à l’eau reconnu par les Nations Unies et exigé par les citoyens". L’ONG rappelle que le droit humain à l’eau tel que défini par les Nations Unies implique que l’eau et l’assainissement doivent être physiquement accessibles, sûrs, acceptables, suffisants et abordables. Mais, estime-t-elle, "la refonte de la directive sur l’eau potable n’a porté que sur les trois premiers aspects."

 Même point de vue du côté de la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics pour qui la proposition européenne "avance dans la bonne direction mais rate l’occasion de reconnaître le droit à l’eau comme un droit humain" : "fournir uniquement des conseils de santé et des informations sur la qualité de l’eau est en deçà de nos attentes".

 Aqua Publica Europea, l’association européenne des entreprises publiques du secteur de l’eau, reconnaît pour sa part que cette proposition, "en introduisant une obligation générale d’appliquer une approche basée sur le risque, des exigences d’information spécifiques pour les consommateurs et des dispositions pour promouvoir l’accès à l’eau pour tous, (…) contribuera à renforcer la confiance des consommateurs dans la qualité de l’eau du robinet." Néanmoins elle devrait, selon elle, "mieux prendre en compte les réalités complexes du secteur de l’eau, en termes de gouvernance, de limites techniques et d’implications sociales. Sans cela, la proposition peut manquer sa cible."

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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