Lorsqu’en 2008 Urs Schnell fait part de son projet au siège du groupe Nestlé à Vevey, il dit s’être heurté à un refus d’entrée en matière et que la seule réponse obtenue arguait que c’était "le mauvais film au mauvais moment". Res Gehringer ne renonce pas à son idée et entame son enquête aux États-Unis, au Pakistan et au Nigéria avec pour ambition de faire la lumière sur les comportements et les stratégies du plus puissant groupe agroalimentaire mondial.
Aux États-Unis, il découvre que c’est la loi du plus fort qui prédomine : celui qui possède ou gère des terres a le droit d’y pomper toute l’eau qu’il veut, sans se soucier de son voisin. Dans le Maine, “Nestlé se bat contre la résistance des habitants à l’égard de ce pompage intempestif de leur eau : avec une armée d’avocats, de lobbyistes et de conseillers en relations publiques”.
Au Pakistan, le journaliste s’intéresse à la situation des gens qui vivent à proximité d’une usine Nestlé : “ici, le niveau de la nappe phréatique s’est rapidement abaissé, et l’eau des puits qu’utilisent les habitants est devenue un nauséabond bouillon de culture”.
À Lagos, au Nigéria, l’eau est devenue un bien de consommation qui a son prix pour tout le monde : “dans les bidonvilles, les familles consacrent la moitié de leur budget à acheter de l’eau en barriques ; de leur côté, les classes privilégiées boivent ’ Nestlé Pure Life’”, la marque d’eau en bouteille la plus vendue à travers le monde, produite à base d’eau souterraine locale et enrichie d’un mélange spécial de sels minéraux. Pour l’entreprise suisse qui a inventé et développé ce modèle commercial, ’Pure Life’ présente le double avantage de pouvoir être produite quasiment partout dans le monde et offrir partout le même goût.
Au terme de ses voyages et de ses enquêtes, ce que Res Gehringer retient d’abord, "c’est l’image d’une multinationale qui s’approprie le droit sur des sources partout à travers le monde à seule fin d’avoir la main sur le commerce de l’eau dans les années à venir".
La réponse de Nestlé
Dans une prise de position publiée par le service de communications de Nestlé, en date du 20 janvier 2012, la multinationale précise entre autres que l’eau ’Nestlé Pure Life’ a été lancée au Pakistan en 1998 “à titre de boisson à prix abordable s’adressant aux familles à revenu moyen à la recherche d’une eau saine, conditionnée dans un format pratique, au goût stable et bénéficiant de la garantie de qualité de Nestlé” et qu’elle représente pour les consommateurs à revenu moyen, “une marque d’eau embouteillée à prix abordable qui répond aux normes de qualité qu’impose Nestlé Waters dans tous les pays où elle exerce son métier”.
Quant à son refus de participer au projet de film sur son secteur des eaux embouteillées, Nestlé l’explique par le fait qu’elle avait alors “la forte impression que le film serait unilatéral et ne représenterait pas la société et ses collaborateurs de manière équitable. Nestlé reste ouverte à une participation à des discussions et à des projets où les deux parties ont une chance égale de présenter leur point de vue. Ce que nous savons du film confirme cette impression initiale”. (Sources : dossier de presse ’Bottled Life’ et Corporate Communications de Nestlé)
– Site web du film "Bottled Life"
– Sites web de Nestlé Waters et Nestlé Waters Suisse