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6 avril 2016.

Vingt millions de Bangladais boivent encore et toujours de l’eau contaminée par l’arsenic

Népotisme et négligence. C’est par ces deux mots que Human (...)

Népotisme et négligence. C’est par ces deux mots que Human Rights Watch, la très sérieuse ONG internationale de défense des droits humains, qualifie l’attitude du gouvernement du Bangladesh qui n’a toujours pas répondu de façon appropriée à la contamination par l’arsenic de l’eau des puits de faible profondeur destinés à l’approvisionnement domestique.

20 ans après la mise en évidence de ce grave problème de santé publique, cette nouvelle expertise estime que dans les zones rurales pauvres du pays pas moins de 20 millions de Bangladais continuent de boire de l’eau dont le niveau de contamination est largement supérieur à la norme nationale maximale de 50 microgrammes par litre.

Selon le rapport de 111 pages publié par Human Rights Watch"Népotisme et négligence - Absence de réponse au problème de l’arsenic dans l’eau potable des zones rurales pauvres du Bangladesh" –quelque 43 000 personnes meurent chaque année au Bangladesh de maladies liées à l’arsenic.

Pour identifier les personnes souffrant de maladies liées à la présence naturelle dans les sols de cet élément fortement toxique, les autorités sanitaires se basent principalement sur l’observation des lésions cutanées, mais de fait la majorité des personnes exposées à l’arsenic ne présentent pas ce symptôme particulier. D’où le risque qu’elles soient atteintes de cancer, de maladies cardiovasculaires et/ou pulmonaires et de ne pas bénéficier des soins requis.

"Le gouvernement et les bailleurs de fonds internationaux doivent agir, sinon des millions de Bangladais risquent de succomber à des maladies évitables liées à l’arsenic", commente Richard Pearshouse, chercheur à Human Rights Watch et auteur du rapport basé sur de très nombreux entretiens et l’analyse de données concernant quelque 125’000 installations.

En 1995, une conférence internationale avait attiré l’attention de l’opinion mondiale sur ce problème et pendant plusieurs années des efforts ont été menés conjointement par le gouvernement, des contributeurs financiers internationaux et des ONG pour réduire la contamination des eaux souterraines par l’arsenic naturel.

Mais l’urgence de ces efforts s’est peu à peu dissipée. Une étude nationale faite en 2013 laisse supposer que le taux actuel de contamination est assez similaire à celui constaté il y a deux décennies et que 20 millions de personnes sont encore et toujours exposées à des quantités d’arsenic supérieures aux normes sanitaires en vigueur.

Cette substance, qui est aussi un perturbateur endocrinien, se retrouve souvent dans des puits tubulaires destinés au pompage de l’eau domestique. Pour remédier au problème, des puits ont alors été forés à plus grande profondeur pour atteindre des sols non contaminés mais, explique Human Rights Watch, ces opérations n’ont pas été correctement surveillées par les autorités : les politiques ont préféré installer ces nouveaux puits dans leurs zones électorales plutôt que dans les zones à risques.

Le rapport note aussi un grave manque de suivi et de contrôle de la qualité dans les projets d’atténuation de l’arsenic. Plus encore : dans un nombre restreint mais significatif de cas, certains nouveaux puits gouvernementaux sont eux-mêmes contaminés. (Source : Human Rights Watch)


  "Nepotism and Neglect, The Failing Response to Arsenic in the Drinking Water of Bangladesh’s Rural Poor", 2016. Document disponible sur le site de Human Rights Watch

 Voir aussi l’article aqueduc.info : Une plateforme interactive pour évaluer les risques de pollution de l’eau par l’arsenic et le fluor du 28 avril 2016.




Infos complémentaires

:: Témoignages


Dans son travail d’enquête, Human Rights Watch a interrogé 134 personnes, notamment des hommes et des femmes apparemment atteints dans leur santé par des contaminations à l’arsenic, des gardiens de puits installés par l’État dans des villages , des représentants de services publics et du personnel d’ONG. Extraits du rapport.

 À propos de l’arsenic, ils nous disent souvent : ’Nous n’avons rien pour vos maladies.’
Nouka, femme portant des taches noires sur les épaules, les bras et les mains.

 Je ne suis jamais allée à l’hôpital, je n’ai jamais vu de médecin, je ne prends aucun médicament. Personne du gouvernement ne m’a jamais parlé d’arsenic ni que je souffrais d’empoisonnement.
Astha, femme de 40 ans, vraisemblablement contaminée.

 Il n’y a pas de sources d’eau publiques installées dans ce domaine. Regardez mes enfants ! Même si nous les nourrissons du mieux que nous pouvons et les soignons bien, ils tomberont malades à cause de l’arsenic dans l’eau.
Khobor, agriculteur de 30 ans, présentant des lésions cutanées sur la poitrine et les pieds.

 Cela fait au moins dix ans que les gens du gouvernement sont venus faire des tests sur l’arsenic et peindre les puits tubulaires en rouge ou vert [pour indiquer qu’ils étaient au-dessus ou au-dessous de la norme nationale]. J’aimerais qu’ils reviennent et qu’ils fassent leur travail correctement.
Agrahayan, homme de 50 ans, vraisemblablement contaminé.

 Le gouvernement n’a installé aucun puits tubulaire dans le village. Ils en ont installé un dans l’école voisine, mais il n’a pas fonctionné pendant des années. Ils ne nous en donnent pas à nous, mais je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas à qui demander ou comment le demander.
Janala, femme de 40 ans, vraisemblablement contaminée.

 "Le choix de nouveaux puits tubulaires du site est d’abord une question politique. Ils en donnent à leurs alliés politiques, à leurs partisans, à leurs proches ou à ceux qui travaillent pour eux. C’est très frustrant, ils ne prennent pas en compte les besoins réels de la population".
Anonyme, fonctionnaire du gouvernement.

Mots-clés

Glossaire

  • Interconnexion

    Pour assurer la continuité de l’approvisionnement de la population en eau potable de la meilleure qualité possible et en quantité suffisante, un distributeur doit disposer d’une ou plusieurs interconnexions de secours avec un ou plusieurs réseaux de distributeurs voisins. C’est l’une des solutions qui permet de garantir en permanence la sécurité d’une exploitation en cas d’accident ou en période de crise.

Mot d’eau

  • Jamais la même eau

    « Le cours de la rivière qui va jamais ne tarit, et pourtant ce n’est jamais la même eau. L’écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissout, tantôt se reforme, et il n’est d’exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et des demeures qui sont en ce monde. » (Kamo no Chōmei, poète japonais, 1155-1216, "Hōjōki")


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